Mohamed Lemine El Bane, président du Parti de la Justice Démocratique (PJD), dans une interview exclusive : "La voie parlementaire est plus simple et moins coûteuse que le référendum populaire

ven, 02/10/2017 - 10:14

Votre parti a pris part au dernier dialogue politique. Quelle est sa position sur la volonté du pouvoir de recourir au congrès du Parlement, plutôt qu’à la consultation populaire directe, pour faire adopter les amendements constitutionnels préconisés par le dialogue et portant, notamment, sur la suppression du Sénat, la modification des couleurs du drapeau et des paroles de l’hymne national ? 

Mohamed Lemine El Bane : Le parti de la Justice Démocratique a pris part au dialogue, en tant que membre de la Majorité présidentielle. Un document, signé, par les participants, à l’issue des débats, préconise des amendements constitutionnels. A cet égard et par principe, la recherche d’un mode consensuel adéquat, pour les introduire, nous semble meilleure.

Néanmoins –et c’est notre point de vue – nous pensons également que la voie parlementaire est plus simple et moins coûteuse que le referendum populaire. Il n’en reste pas moins vrai que le consensus, entre les parties participantes, reste l’unique voie pour sortir avec un avis partagé par toutes les parties.

-En vous engageant dans le dernier dialogue, vous vous attendiez, certainement, à un débat national à même de sortir le pays de la «tension » politique qu’il connaît, depuis 2008. Vos attentes ont-elles été satisfaites ? Que pensez-vous, trois mois après la fin des débats, de la mise en œuvre de leurs résolutions ?

- Vous avez bien fait d’utiliser le terme « tension », plutôt que « crise » politique. Nous pensons que le dialogue lui-même est une vertu. Les pays dont les élites politiques ont échoué à résoudre leurs problèmes par ce canal, sont ceux qui vivent, aujourd’hui, beaucoup de crises, parfois des guerres civiles. Nous considérons que la série de dialogues menés, en Mauritanie, et les appels incessants au dialogue que lance le président de la République, à tous les acteurs politiques, sont des signes positifs.

A notre avis, notre pays ne vit pas une crise, au sens académique de ce concept. Cela devrait, en principe, faciliter la tâche aux partis politiques, à condition d’y « mettre le cœur » et de hisser l’intérêt national au-dessus de toute autre considération. 

-Certains partis de l’opposition ayant pris part au dialogue expriment, aujourd’hui, de sérieuses réserves sur le recours au congrès en place du referendum populaire, conformément, disent-ils, à la résolution commune de faire adopter les amendements constitutionnels par cette dernière voie. Les dialoguistes, dont vous faites partie, ont-ils effectivement recommandé l’organisation d’un référendum populaire, pour faire adopter ces amendements, ou ont-ils laissé le choix à la discrétion du gouvernement?

-Au PJD, nous relevons le fait que notre pays va organiser, bientôt, les élections des conseils régionaux – s’ils sont adoptés – puis des élections municipales et législatives anticipées. Cela donne à s’interroger sur la charge supplémentaire du recours au referendum populaire, alors que la voie parlementaire a la même valeur juridique. Lorsqu’il avait à choisir entre deux possibilités, le prophète Mohamed – Paix et Bénédictions sur Lui (PBL) – choisissait toujours la plus simple. 

- Que pensez-vous des « tensions récurrentes » avec les pays frères que sont le Maroc et le Sénégal ?

- Nous pensons, au sein du PJD, que des relations historiques fortes nous lient avec les deux pays et peuples sénégalais et marocain. Notre rôle, en tant que parti politique, consiste à contribuer au renforcement et au développement de ces relations car le voisinage et les intérêts communs sont plus forts que tout désaccord, quel qu’il soit.

-En prenant le pouvoir, Mohamed Ould Abdel Aziz avait promis de donner la priorité aux jeunes, pour « renouveler la classe politique ». Quelle évaluation faites-vous, aujourd’hui, de cet engagement ?

- Au PJD, nous pensons que l’importance accordée à la jeunesse englobe, également, toutes les autres classes d’âge car les jeunes d’aujourd’hui sont les vieux de demain. L’importance accordée à la jeunesse, par le président de la République, s’est traduite par plusieurs mesures. La plus importante nous semble la fondation du Haut conseil de la jeunesse. A ce propos, j’invite à dynamiser ce conseil et à convaincre les jeunes de s’y affilier et d’agir par sa voie.

-Une grande partie de l’opposition est, aujourd’hui, en marge des institutions démocratiques (mairies, Sénat, et Assemblée nationale). Des rumeurs sur un troisième dialogue circulent. Ne pensez-vous pas qu’un débat national, franc, sincère et, surtout, incluant toute l’opposition soit indispensable, dans la perspective des élections municipales et législatives anticipées etde la présidentielle de 2019 ?

-Le boycott des élections passées, par divers partis politiques, est négatif, non seulement, pour les élections mais, aussi, pour les partis eux-mêmes, parce que leurs cadres ne se retrouvent que dans la représentation citoyenne et la présence physique aux débats politiques. Je souhaite que ce problème soit résolu avant les élections prochaines et que tous y participent, majorité et opposition. 

-Votre parti appartient à la coordination de la Majorité Présidentielle, il est représenté, par deux députés, à l’Assemblée nationale, vous soutenez le gouvernement. Êtes-vous satisfait de la manière dont fonctionne cette majorité ? Vous sentez-vous associés, à travers vos cadres à la gestion des affaires ? 

-Pour ce qui est du premier aspect de votre question, relatif au fonctionnement de la coordination, je vous réponds qu’elle est comme toutes les autres coordinations : elle agit, inlassablement, à jouer, pleinement, le rôle qui lui est dévolu, malgré les grands handicaps qu’elle rencontre. Pour ce qui est de la participation de nos cadres, je dois dire, d’abord, que ce sont les convictions qui motivent nos positions politiques et que c’est l’association à la gestion des affaires qui renforce ces convictions. Je souhaite que ce partenariat se développe davantage dans l’avenir. 

Propos recueillis par DL 

 

Le Calame