Entretien Exclusif Aboubacry Sow (Aldiouma), président de l’Association pour le Développement et le Bien-être des albinos

mer, 03/19/2025 - 12:35

FUTURE AFRIQUE : Qu’est ce qui a motivé la création de l’Association pour le développement et bien-être des albinos en Mauritanie ?

Aboubacry SOW : L’initiative de créer l’Association pour le Développement et le Bien-être des albinos est partie de ma propre volonté de soutenir les albinos en tant qu’albinos.  Je n’ai pas eu de difficulté de travailler en groupe et cela grâce à une expérience acquise dans le domaine du développement social pendant que j’étais membre actif de l’ONG AMAM. Partant de cette expérience, avec un groupe, nous nous sommes constitués en association pour défendre les droits des albinos. Nous veillons donc depuis à la protection, à la promotion et à l’épanouissement des albinos. Permettez-moi de rappeler qu’au cours de mes voyages en Tanzanie, au Mali, au Burkina, en Côte d’ivoire, au Sénégal, j’ai pu échanger avec des présidents et responsables d’associations d’albinos.  Et, c’est au retour au pays, en 2019, que j’ai décidé de créer cette association.
Pouvez-vous nous rappeler de quoi souffrent les personnes atteintes d’albinisme ?
 Elles souffrent d’une déficience de pigmentation qui est responsable d’un risque accru de cancer et d’une atteinte oculaire avec une baisse importante de la vue. Outre ces problèmes physiques, les personnes atteintes d’albinisme ont de grandes difficultés d’intégration dans la société. Elles rencontrent des problèmes de marginalisation dans certains milieux surtout avec qui ne sont pas conscients. Leur particularité pose problème mais avec les efforts les choses commencent à changer. 

L’Association pour le développement et le bien-être des Albinos travaille avec la mairie de Tevrag-Zeina, le centre des spécialités et World Vision en quoi consiste votre partenariat ?
L’association travaille en partenariat avec la mairie de Tevrag-Zeina, le centre des spécialités et World Vision, mais, avec d’autres comme le ministère de la santé, Fondation Marième Kébé, des structures sanitaires et des bonnes volontés.

 L’idée est que nous travaillons pour la prévention des cancers de la peau, la prise en charge des soins et la sensibilisation des communautés. Aujourd’hui, grâce à notre action commune, nous organisons des caravanes humanitaires auxquelles profitent des centaines de personnes suite à des consultations dermatologiques et ophtalmologiques.

Nous sollicitons l’appui de nos partenaires pour aider les couches vulnérables dans la santé, l’éducation ainsi que des activités génératrices de revenus pour des personnes sans emploi pour favoriser leur insertion sociale. Nous organisons des activités de distributions d’aides alimentaires aux personnes en situation difficile surtout pendant le ramadan et la veille des fêtes religieuses.

Comme d’habitude, chaque 13 juin, nous célébrons la journée mondiale des albinos pour informer l’opinion publique nationale de notre situation.

Constatez-vous un changement positif pour les personnes atteintes d’albinisme ? 
 Pas de la façon que nous vouons, mais, je suis très optimiste, les actions en cours améliorent petit à petit leur qualité de vie.
Mais, il reste encore des défis à relever, notamment en termes de lutte contre les maladies, l’accès aux aides et l’accès aux services sociaux, la santé, l’éducation, la formation professionnelle et l’emploi. Et, s’agissant du nombre d’albinos, les résultats de la dernière enquête réalisée par notre ONG en 2024, nous sommes à 310.

Comment vous vous sentez sur le plan professionnel…
C’est là notre véritable souci. Sur le plan professionnel, nous déplorons le manque de formation. La sensibilité de la peau et d’autres handicaps comme la mauvaise vision constituent le véritable problème pour faire certaines activités.  Même quand nous avons les diplômes et les compétences requises. Cela crée, malheureusement en nous, un complexe. Nous avons pourtant des aptitudes à même de produire des rendements à la hauteur des attentes. Nous avons un problème d’insertion professionnelle et nous profitons de cet entretien pour interpeller les autorités sur la situation que nous vivons.

Quelles sont les vraies difficultés liées à l’albinisme au plan sanitaire ?

Au plan sanitaire, nous avons d’énormes problèmes au niveau dermatologique. Les problèmes de peau sont propres à l’albinos et nous en souffrons, il faut l’avouer. Nous sommes très allergiques au soleil. Mais au-delà de la peau, nous avons aussi des problèmes de vision. Ce handicap participe pour beaucoup à nos difficultés d’insertion.

Mais ce n’est pas notre faute. Nous n’avons pas de moyens pour nous assister nous-mêmes. Je tiens à mettre en place une assistance en dermatologie et ophtalmologie pour les albinos surtout les enfants qui sont dans les écoles. Mais sans l’aide des autorités, nous n’y parviendrons pas parce que nous n’avons pas les moyens.

Avez-vous un appel aux autorités ?

Nous attendons beaucoup des autorités mais il n’y a pas que le gouvernement. Nous pensons que des organisations internationales et des entreprises locales peuvent nous apporter leur aide pour que nous aussi au niveau de l’Association pour le développement et le bien-être des albinos nous pourrons atteindre nos objectifs. Nous avons un immense et important programme pour venir en aide aux personnes atteintes d’albinisme, mais, n’avons pas les moyens. Nous comptons sur le gouvernement et ses programmes sociaux.

Entretien réalisé par Aboubakrine SIDI