PROFIL DE CAS : LE PREMIER MINISTRE MOCTAR OULD DIAYE. LE PROBLEME OU LA SOLUTION ?

jeu, 08/22/2024 - 09:05

Je l’avais dit dans ma précédente chronique. La mise en place du gouvernement du second mandat

de Ould El Ghazouani a réservé bien des surprises. Des ministres partis qui ne le devaient pas, des

ministres rentrés auxquels on ne s’attendait pas vraiment. Parmi donc les ministres auxquels on ne

s’attendait vraiment pas, il y’a d’abord (le premier), le Premier Ministre Ould Diaye dont la confiance

que lui a accordé le président Ould Ghazouani a déjoué tous les pronostics possibles et imaginables.

Encore aujourd’hui certains se posent la question de savoir, quelle est la signification et la portée de

cette décision prise par le chef de l’Etat, qui, très bas dans les sondages a fait appel à un Premier

Ministre plus bas que lui dans les sondages ?

Pour certains mauritaniens, même sous pression mystique très forte, Ould Ghazouani ne devait en

aucun cas, choisir cet homme que beaucoup de mauritaniens de toutes tendances politiques, de

toutes appartenances ethniques et de toutes tranches d’âges considèrent comme le mal en

personne.

Alors on peut se poser la question de savoir qu’est ce qui a bien pu pousser Ould Ghazouani à

prendre une telle décision ? Si le choix porté sur Ould Diaye est incompréhensible aux yeux de

beaucoup de mauritaniens, il doit donc bien avoir une raison valable qui a poussé Ould Ghazouani à

faire ce jeu au moment même où rien ne va plus pour son régime.

 

Redorer son propre blason ou celui du président qui l’a choisi ?

 

L’Ascension fulgurante et surprenante de Ould Diaye ces treize dernières années doit, de mon avis

pousser les scientifiques et les analystes politiques à faire une étude approfondie de ce Cas d’Ecole

qui relève de l’impensable.

Si je le dis, c’est parce que Moctar Ould Diaye a un parcours administratif atypique qui ne repose que

sur trois étapes importantes. Au cours de cette période de treize années, il a été successivement

Ministre des Finances, Administrateur Directeur Général de la SNIM, Ministre Directeur du Cabinet

du Président de la République, avant de se voir catapulté comme Premier Ministre. Donc, on

constate que l’actuel Premier Ministre est passé par un raccourci pour monter en importance et en

puissance dans la sphère des responsabilités du sommet du pouvoir.

Alors, essayons donc si c’est possible de comprendre. Pour beaucoup de mauritaniens Ould Diaye est

un homme capable de « pacser » et même de « pacter » avec le Diable pour arriver à l’objectif qu’il

se fixe. Et l’objectif qu’il s’est toujours fixé c’est d’être le plus près possible du Président de la

République, peu importe pour lui qui est ce président ! C’est ce qui expliquait la proximité qu’il avait

avec l’ancien président Ould Abdel Aziz, proximité qu’il a, par manœuvre autoreverse d’intérêt, gardé

et renforcé avec Ould Ghazouani.

Pour d’autres mauritaniens, (qui, le plus souvent ne le connaissent même pas), Ould Diaye est le

Diable en personne.  Un diable que rien ne peut empêcher d’aller jusqu’au bout de l’objectif qu’il

s’est fixé.

Et c’est d’ailleurs pourquoi, cet objectif il l’a atteint. Il avait mis en confiance Mohamed Ould Abdel

Aziz jusqu’au jour où il a contribué à étaler des preuves de culpabilité de ce dernier dans les faits qui

lui étaient reprochés. Et maintenant il a mis en confiance le président Ghazouani qui l’a « recyclé »,

en le gardant au sein de la première équipe gouvernementale avant de l’envoyer à la tête de la SNIM

et de l’appeler à ses côtés, d’abord au Palais et maintenant à la Primature.

 

Un « maure de service » ou un commis de l’Etat ?

 

Il faut admettre que, par rapport au dossier de la Décennie, dans la réalité, la justice mauritanienne

(qui agissait en toute indépendance), n’a pas été en mesure de prouver de manière formelle, la

culpabilité de Ould Diaye pour les faits qui lui étaient reprochés, faute de preuves.

Peut-être que Ould Diaye pouvait tomber dans les mailles du filet de la police des crimes

économiques et financiers pour d’autres chefs d’accusations. Est-ce que maintenant, ce « risque » lui

a été évité intentionnellement par un accord ou une collaboration avec la justice ? C’est possible.

Quoiqu’il en soit là n’est pas la question et nous n’allons pas nous attarder sur des détails, -qui ont

peut-être leur importance-, mais qui ne nous avanceront en rien. Ce qu’il faut simplement rappeler

c’est que Ould Diaye est avant tout et après tout un commis de l’Etat. Il n’est ni, la propriété

personnelle de Ould Abdel Aziz, ni la propriété personnelle de Ould Ghazouani. C’est un mauritanien,

une personnalité publique, une personne ressource compétente qui a fait de très bonnes études,

(Master 2 en statistiques et économie comparée), ingénieur, un mauritanien qui aime son travail et

qui d’après tous ses proches collaborateurs le fait correctement. C’est tout ce qu’on lui demande et

c’est tout ce que le pays doit exiger de lui.

 

Ould Diaye, le Problème, la solution ou le Tsunami ?

 

Ould Diaye en tant que Premier Ministre est investi d’une mission. Les termes de références de cette

mission n’ont pas été rendus publics. Mais, il est évident que, dans ce qui relèvera de ses attributions

et de ses compétences, le président Ghazouani lui a certainement accordé les pleins pouvoirs pour

assainir la situation de la gestion des biens publics.

Si c’était le cas, cela signifie simplement que Ould Ghazouani, qui a été par deux fois très déçu par les

mauvaises performances de certains ministres (maintenus dans ses trois gouvernements successifs

ou nommés après les remaniements opérés), veut désormais en finir avec les responsables qu’il

appelle à des fonctions et qui finissent par trahir sa confiance en abusant de leur pouvoir.

Si on peut arriver à cette conclusion, dans ce cas, Ould Diaye n’a pas le choix. Il va -(si vous voulez)-,

jouer le rôle du mercenaire Wagner du Mali. C’est-à-dire qu’il va se battre pour Ould Ghazouani et

« neutraliser » un à un tous ceux bénis par le statut social de leurs familles qui font la rébellion et la

résistance contre la bonne gouvernance en se cachant derrière l’impunité que leurs garantissent des

proches du président, des personnalités tribales influentes, ou des barons du parti au pouvoir.

Beaucoup, comme Biram Dah Ould Abeid (un député pourtant très critique du pouvoir) pensent que

Moctar Ould Diaye est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Ce qui est certain, c’est que Ould Diaye

n’a peur de rien. Pour son dévouement et sa fidélité à un chef d’état, il est capable même de faire

envoyer sa propre femme ou son propre fils en prison. En tous cas, et cela est inévitable, avant d’être

éjecté de ce fauteuil (s’il devait l’être), Ould Diaye va briser le mythe de certaines figures du cercle

restreint du pouvoir qui se croyaient intouchables et invulnérables.

 

Ould Diaye, Monsieur « mains propres ».

 

Quand il avait été proposé au prestigieux poste d’Administrateur Directeur Général de la SNIM, Ould

Diaye avait déclaré ses biens. Personne n’avait exigé de lui ce geste hautement symbolique. Il l’avait

fait quand même en prenant le soin de médiatiser l’évènement.

 

En agissant ainsi, Ould Diaye voulait simplement passer un message à l’intention de l’opinion

publique nationale et internationale pour dire à tous ses détracteurs de tous bords qu’il a la

conscience tranquille puisqu’il n’a rien à se reprocher.

Avant d’être réhabilité, Ould Diaye se baladait toujours avec un dossier solide et très bien ficelé qui le

blanchit de tous les soupçons portés contre lui par les mauritaniens qui l’accusent à tort et sans

raison.

C’est d’ailleurs pourquoi, après avoir pris connaissance de ce dossier que, Biram Dah Ould Abeid,

« Bou alave » (comme l’appelle Fatma Fall), s’est repenti et avait organisé une conférence de presse

pour dire que Ould Diaye était un responsable Immaculé et très loin de l’image que les mauritaniens

donnent de lui. Il avait même ajouté que : « le nom de Moctar Ould Diaye avait été ajouté à la liste

des personnes citées par la commission parlementaire pour faire plaisir à un puissant homme

d’Affaires.» (Sans citer son nom, il faisait allusion évidemment à Ould Bouamatou).

Moctar Ould Diaye n’est pas puissant politiquement. Ni dans sa ville natale, ni dans sa wilaya ni

d’ailleurs nulle part ailleurs. Sa percée politique éclair dans les toutes dernières élections

municipales, régionales et locales et la poudre de comète des électeurs qui trainaient derrière lui ces

deux dernières années, sont le fruit d’une mobilisation de moyens énormes injectés dans l’achat des

consciences de certains chefs notables ou religieux auto-rotatifs dans le Brakna.

 

Le troisième Premier Ministre de l’époque du second général au pouvoir sera-t-il le bon ?

 

Impopulaire, mal aimé, maintenant assis dans un fauteuil sur un champ de mines politiques, Ould

Diaye réussira-t-il à faire mieux que ses prédécesseurs Ould Cheikh Sidiya et Ould Bilal ? Je crois que

« oui ». Je crois que oui parce que, Ould Diaye n’a pas réellement des amis. Par contre il n’a que des

ennemis. Certains de ses ennemis sont déclarés et d’autres se cachent derrière une prudence qui

leur évite de provoquer la fureur d’un Premier Ministre capable de tout.

Et ces derniers ont parfaitement raison d’observer la prudence. Parce que, dans la réalité, Ould

Diaye, est le « Senoussi mauritanien ». Son disque dur renferme énormément d’informations

« hautement sensibles », parfois même « secrets d’Etat ». C’est ce disque dur qui a fait sa force

devant la justice durant l’enquête préliminaire et c’est aussi ce disque dur qui fait sa force devant le

commun des justiciables.

Moctar Ould Diaye est un « Senoussi mauritanien » qui sait où est passé l’argent du vrai Senoussi, le

Libyen. Ce qui lui donne une longueur d’avance sur les autres. Tous les autres. Et tous « ces autres »

le savent bien.

Je crois que, si les cadres de ce pays ne veulent pas se retrouver derrière des grilles comme c’était le

cas pour Ould Noueighedh et pour Ch’rif Ould Abdallahi et Ould Maham, (en 2009 mais pour une

autre raison), ils ont tous intérêt à abandonner leur sport favori, celui de l’enrichissement illicite par

le détournement et la corruption.

Avec Ould Diaye il faut s’attendre à tout. C’est peut-être finalement l’explication du choix porté sur

sa personne par Ould Ghazouani, un président très bas dans les sondages qui veut peut-être finir son

dernier mandat en beauté. Ould Diaye est peut-être donc son « chewaye » comme dit l’adage de

chez nous. Un « chewaye » qui va débarrasser Ould El Ghazouani de tous les indésirables.

Mohamed Ould Chighali

Journaliste indépendant